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  Accueil > Florilège > 2011  

Silence - Aliscan

Moi, Poilu Vendéen (extrait) - Amajyp

Guide d'amour - Djamila Amgoud

Un jour (tendre) - Gabriel Arnaud

Au-delà de l'automne - Régine Beauvais

L'algérienne - Djamila Bélarbi

Presqu'Elle - Bleudasi

Il était une fois... la folie - Cecyl

La comédie du monde - Ludovic Chaptal

Un nouveau jour - Charly

Lune - Jean-Louis Chartrain

Préambule au canal - Marie-Josée Christien

(sans titre) - Robert Denis

Essaim isthme éclaircie - Jean-Jacques Dorio

Je me rends à l'évidence - Elise CM

Parce que je t'aime - Frédéric Eymeri

Tous - Fabrice Farre

Cuisine universelle - Patrice Follenfant

Haïkus des saisons - Damien Gabriels

L'obscurité et ma lumière... - Michael Gérard

À l'absence arraché - Gabriel Henry

Mais, dire les maux à demi mesure, car je sais que les maux partent toujours…. - icar17

Pyrène - JVS

Sans titre - Christian Laballery

Langues - Corinne Le Lepvrier

Une femme un train - Jacques Lucchesi

Inachevé - Lise Lundi

L'espoir du fou - Vincent Motard-Avargues

Celle qui dort - Lydia Padellec

Faut-il que la Terre ? - Emmanuel Parmentier

Les ponts du temps - Perrine Lagarde

Le fruit suspendu... - Bernard Perroy

Tourbillons - Mireille Podchlebnik

Brèches - Jacques Rolland

Idée disparate - Dina Sahyouni

Sans mobile apparent - Yann Salley

Les funambules - Jérôme Saraf

Drôles d'oiseaux - Scribouillet

De toutes les couleurs - Valdosilasol

Acrostiche Soc et Foc - Laura Vanel-Coytte

à quoi pensent les girafes - Stella Vinitchi Radulescu

Nuit extrême - Stella Vinitchi Radulescu

 

Langues

je viens d’Andersen et d’un hibou aux grands yeux
je suis la petite fille aux allumettes
je viens d’une bibliothèque verte et je suis Fantômette
je viens de la langue des villes qui ne se reconstruisent pas de la langue de Brest-même qui dit Kénavo arwechal
je viens de la langue des troquets et des bastons
des langues en recherche d’ivresses
et je leur tire la langue
je viens de la langue des mots si peu mal dits, je suis faite de la langue de pépé Arzur et de sa charrette qui ont un jour rencontré l’Ankou, et je craque une allumette pour y voir, je suis faite de langue rosa rosam rosae rosis rosis, de la poêle, du sousteef, de la langue de Jacques Martin tous les dimanches après-midi, je viens d’une langue déçue et diminuée d’utopie, je suis la langue qui se claquait contre l’absence des livres, et la noix de ma langue se casse, je viens de la langue de Barbara, noire comme le soleil, noir comme l’aigle, noire la robe, les yeux, je suis la langue de celle qui est partie par deux fois avec son enfance et son cordon vert, je suis une langue qui quitte, je suis une langue qui recommence, et je ne tournerai qu’une seule fois ma langue dans ma bouche, je suis faite de la langue d’Antonio Tabbuschi avec ses petits malentendus sans importance, je viens de la langue femelle de Barjavel, je viens l’espère de la rencontre d’une goutte de pluie et d’un enchantement, je viens de la langue de Paul Auster pour des histoires concaténées dans les histoires des histoires, je viens de la langue des hommes puissants, de François 1er, Richelieu et Condorcet, de la langue des pères qui ne savent pleurer, d’une langue des techniques, des modèles, je cherche une langue attachée aux ventres, incertaine langue à trous, une langue du manque au bout du compte, je cherche les langues qui reviennent entre les hanches, la langue de nos enfants à travers les membranes qui séparent, la langue des livres qu’il n’est pas nécessaire d’écrire, je viens d’une langue fossile, la langue de ceux qui combattaient, qui priaient, qui travaillaient, je suis devenue un soir la langue d’un hibou aux grands yeux rétractés dans une gorge enflée de mots, une langue sans plus de parcours, et sans plus d’allumettes, je viens de Kundera et oublier et en rire, je cherche une langue en ruban de langues, la langue des vies possibles, je cherche la langue des printemps des avenirs, une langue mange le soleil, met à l’épreuve le cœur de la soupe et les mains des choux-fleurs, je viens de la langue des femmes aux bagues aux doigts, je suis faite de la langue de celles qui ignorent ce que leur mère aurait tant aimé qu’elles fassent ensemble, je viens de sa langue à elle mais nulle molécule de mots de ne m’être pas assise plus près d’elle, je suis la langue de Mémé Arzur et je remplis notre panier de mouchoirs de mots, je viens de la langue de celles qui sont nées dans une botte de foin une nuit et ne se sont pas réveillées dans un carré de murs à l’aube, je suis la langue qui combat, qui prie, qui travaille, je suis la langue qui réentend les sons des mères, je suis une langue qui se quitte, une langue qui recompose ce qu’elle aime, traduit, trahit, je fabrique une langue, je la lisse l’étire colmate les aspérités, une peau adoucie comme l’enfant finit les ongles de ses tissus et les paupières de ses cils avant que d’advenir, j’attrape approvisionne une langue du récit, essaye improvise proche de la rupture, une langue telle l’être qui nait de nos doigts par le ventre, je m’imagine de la langue amie de Colette, Annie, Marguerite, Virginia, Dominique, Jeanne, Simone, Lydie, me rêve une langue en chair de mots, me trouve une langue dans la liberté de mes os, une langue qui se ressemble maintenant que cela n’existe plus, je suis une langue qui se trace contre le temps qui repasse, celle qui dit que les histoires sont des enveloppes pour la peau, que les histoires sont prétextes, qui dit qu’une histoire de soi plus vraie qu’une autre n’existera pas, je viens de la langue de Jean-Paul, de Jorge Louis, de Vladimir, d’Antoine, de Laurent, Alexandro, je cherche la langue des pays enneigés de Kawabata, des printemps de Le Clézio, des rois de Tournier, je cherche une langue telle une femme qui marcherait pour l’éternité vers Christian Bobin, je recherche une langue parmi ceux qui se ressemblent, je cherche une langue sous mes cheveux les nuits contre son dos d’où l’on voit notre jardin, je cherche une langue à ne pas écrire, je cherche une langue à vivre et à mourir, une langue limitée à ce qu’elle est, je cherche une langue sans mots, une langue faite d’eaux, triangles d’oiseaux au bord d’une feuille, pointe du bout d’un champs de tournesols, j’espère une langue à côté de la langue, j’espère nos langues en dehors de nos bouches, une langue tendue entre les cordes de mes seins, je suis la langue qui se fera enroulée petite spirale dans la tienne, je suis toutes les langues, depuis des millions d’années, viens m’embrasser

© Le Lepvrier

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